Durant la seconde guerre mondiale, guerre à la férocité inédite dans l’histoire, les pays mobilisèrent toutes leurs forces dans la bataille. Il va de soi que, comme dans chaque guerre depuis l’Antiquité (nous l’avons vu antérieurement), la garantie de la confidentialité des messages échangés par les sommités militaires étaient de la plus haute importance.

La progression territoriale de l’Axe (1939-1942)

Cette guerre fut déclenchée par le IIIème Reich d’Hitler et des puissances alliées, dites puissances de l’Axe (Italie et Japon). Les allemands ont saisi d’emblée la nécessité de trouver un outil performant, une technique inviolable de cryptographie qui résisterait aux attaques nombreuses des cryptanalystes alliés puisque, comme toujours, la cryptologie constitue un enjeu majeur de la guerre, capable de bouleverser son issue. L’armée allemande se dote alors massivement de la machine à chiffrer Enigma, inventée en 1918 par Arthur Scherbius et Richard Ritter. Jusqu’en 1942, la tactique d’Hitler fonctionna admirablement ; son plan se déroula sans accroc, à ceci près qu’il n’avait point encore fait plier les valeureux britanniques qui résistèrent seuls face aux bombardements allemands, après les capitulations successives de la Pologne et de la France.

Blitzkrieg

La tactique militaire allemande de guerre éclair (Blitzkrieg) constituait en une attaque fulgurante mettant en déroute l’adversaire contraint de signer une reddition quelques semaines plus tard. Le plan offensif devait être effectué avec une grande rapidité et impliquait de surcroît une coordination optimale entre les corps d’armée (aviation qui bombardait préalablement à l’attaque de l’infanterie), nécessitant une communication efficace et confidentielle. Le Blietzkrieg fut d’une efficacité diabolique dans l’invasion de la Pologne et celle de la France. Cette tactique atteignit cependant ses limites dès 1942.

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Les chars allemands utilisés pour le Blietzkrieg

Répliques alliés

Du côté des alliés, pour casser le secret des communications, on centralisa les recherches à Bletchley Park, manoir victorien situé au nord du Londres où furent réunis des mathématiciens brillants (d’Oxford et de Cambrige notamment), des linguistes et même des cruciverbistes émérites. A proximité du bâtiment, de nombreuses huttes furent érigées, chacune d’entre elles ayant une tâche particulière. L’ensemble des méthodes utilisées pour la cryptanalyse d’Enigma étaient appelées sous le nom de code Ultra : ces informations, très confidentielles, n’étaient connues que d’un petit nombre de personnes. Les allemands utilisaient une clef par jour ; cependant chaque armée avait sa propre clef : ainsi, trouver celle de la Luftwaffe ne permettait en aucune façon de connaître celle utilisée par les sous-marins. Cet effort de guerre des Alliés porta ses fruits : de 1940 à 1942, ils étaient en mesure de déchiffrer les messages allemands, transmettant les plus sensibles aux ministères, influant ainsi de façon cruciale les décisions militaires prises par l’Etat-major.

Exemple

Pour rester sur le sujet des sous-marins, nous pouvons aborder la question de la “bataille de l’Atlantique” (expression de Churchill désignant l’ensemble des combats maritimes entre anglais et allemands) qui constitua un enjeu majeur pour le lien maritime primordial entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Comme nous l’indique le graphique ci-dessus, la qualité d’Ultra permit de réduire considérablement le nombre et le rôle des sous-marins allemands.

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Graphique des sous-marins allemands coulés et de la quantité de navires alliés coulés

Nous voyons sur le graphique ci-dessus qu’au cours de l’année 1942, le nombre de navires coulés par les allemands explose (multiplié par enivron 6) tandis que le nombre de U-boote coulés est très faible (moins de 5). Ceci s’explique par une modification d’Enigma par l’armée allemande. Bletchley Park se trouve alors impuissant à trouver les clefs quotidiennes des allemands et donc à déterminer les agissements des allemands dans l’Atlantique.
Afin de déterminer les clefs du jour des allemands, les Alliés utilisent la force en capturant des sous-marins contenant les clefs utilisées pour le chiffrement.
A partir de 1943, la cryptanalyse est rendue de nouveau possible à Bletchley Park.
Sur le graphique, on remarque une importante baisse du nombre de navires Alliés coulés (divisé par 7) et une considérable hausse du nombre de sous-marins allemands coulés (de 5 à environ 40).
Ceci montre l’impact concret de la cryptologie sur la guerre.

La contre-offensive des Alliés (1942-1945)

L’année 1942 marqua un véritable tournant : les soldats de la Wehrmacht se perdirent dans l’hiver russe, où ils échouèrent à prendre la ville de Stalingrad, après que Hitler eut rompu le pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop de 1939. Dans le Pacifique, après l’attaque aérienne de la base américaine de Pearl Harbor le 7 Décembre 1941, la flotte américaine ainsi que son aviation attaquèrent le Japon dans le Pacifique. Peu à peu, les américains reprirent les îles du Pacifique. Ceci amorça la dynamique de reconquête des Alliés qui les conduirait plus tard à Berlin (Américains, Anglais et Soviétiques) et Tokyo (Américains). Les puissances de l’axe reculaient, peu à peu. Un point névralgique et inédit dans l’histoire de la guerre par son ampleur survint dès 1942 : les débarquements. Afin d’acheminer des troupes capables de libérer les territoires sous le joug nazi, des opérations de grande envergure furent préparées minutieusement par les anglais et les américains. La qualité de la cryptanalyse anglo-américaine, fruit du travail de nombreux talents issus d’horizons divers, performante à partir de 1943, fut un atout considérable pour les Alliés dans leur contre-offensive qui annonça les prémices de la fin de la guerre.

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Débarquement du 6 Juin 1944

L’exemple du débarquement du 6 Juin est éclairant : les Alliés purent savoir que les allemands croyaient à un débarquement dans le Pas-de-Calais ce qui les incita à poursuivre leur fructueuse entreprise de diversion. De plus, ils connaissaient la situation exacte des troupes allemandes, et particulièrement des panzers, ce qui contribua grandement à la réussite de cette opération.

Aussi remarquons-nous que le camp en conquête était celui qui parvenait soit à échanger de façon confidentielle soit à décrypter les messages adverses : pourrions-nous dire que le camp en conquête était ipso facto le plus performant en cryptologie ?

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