Eléments de contexte

Dans un contexte de ravivement des guerres de religion après la mort prématurée d’Henri IV dont le règne avait permis d’apaiser les tensions entre catholiques et protestants, le Cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII, traque activement les huguenots. Il assiège la Rochelle, bastion huguenot, pendant plusieurs mois, en vain. Ayant intercepté un message à déchiffrer et ayant entendu parler par une lettre du prince de Condé des talents d’un décrypteur, Antoine Rossignol, qui avait assuré à Condé la prise de la ville de Réalmont (1626) en déchiffrant un message, il demanda au jeune homme de déchiffrer le message. Rossignol y parvint : il rentra ainsi au service du Chiffre de la Couronne et devint le cryptologue le plus réputé de son temps. Il servit la diplomatie de Louis XIII, puis de Louis XIV pendant cinquante ans. Signe de son rang, son bureau était contigu à celui du Roi-Soleil. Son rôle consistait à décrypter les messages (cryptanalyse) et à améliorer les principes cryptographiques existants.

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Richelieu au siège de la Rochelle, Henri-Paul Motte, 1881

Son oeuvre majeure est l’invention, avec son fils Bonaventure, d’un code inviolable, le “grand chiffre”. Utilisé pour les affaires du royaume comme pour la correspondance secrète du Roi, ce code tint en échec toutes les tentatives de déchiffrement ennemies et des cryptanalystes modernes car après la mort du petit-fils d’Antoine Rossignol (il y avait bien une lignée de cryptologues), la clef a été perdue. Ce n’est que dans les années 1890 qu’Etienne Bazeries, militaire français, parvient à déchiffrer le fameux Chiffre et la correspondance de Louis XIV est enfin dévoilée. Il réalisa pour cela une attaque par mot probable en supposant que la séquence 124-22-125-46-345 correspondaient aux syllabes les-en-ne-mi-s, s étant codé seul par 345. Peu à peu, il en déduisit les autres syllabes jusqu’à déterminer l’intégralité du répertoire et ainsi permettre aux historiens d’avoir accès à la correspondance du Roi, et de s’intéresser à l’énigme de l’homme au masque de fer.

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Antoine Rossignol

Fonctionnement

Ce système est un codage par répertoire désordonné : chaque nombre correspond à une syllabe ou parfois à une lettre. Ainsi 124 signifiait “les”, 22 “en”, 345 “s”. Le nombre 57 signifie même qu’il faut effacer le précédent. Les correspondants doivent chacun posséder un exemplaire du répertoire permettant de chiffrer et déchiffrer les messages.

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Répertoire du grand chiffre de Louis XIV

Enjeux

Ce chiffre fut utilisé par Louis XIV tant pour ses correspondances privées (il a mené une vie amoureuse très dissolue comme chacun le sait) que pour ses correspondances politiques avec ses ministres, militaires et ambassadeurs.

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Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud, 1701

Le Roi-Soleil conduisit une politique étrangère très ambitieuse, et passa la majeure partie de son règne en phase de guerre (guerre de Dévolution, guerre de Hollande, guerre de succession d’Espagne). Pour préserver son pré carré, il dirigea une politique militaire belliqueuse. Il était donc crucial pour lui de s’assurer que les autres puissances européennes qui s’étaient liguées contre lui n’interceptaient pas ses missives à caractère tactique.

La cryptologie prit avec Rossignol en France une importance inédite, puisque Louvois, ministre de la guerre de Louis XIV, créa un bureau spécialisé. À la fin du XVIIe et au cours du XVIIIe siècle, les cabinets noirs sévissaient dans toute l’Europe. Celui de Vienne, le Geheime Kabinettskanzlei, était le plus efficace : en moins de deux heures, tout le contenu du sac postal était ouvert, recopié, et recacheté. Cela permit à l’Autriche-Hongrie de mener une politique étrangère très efficiente. L’invention du télégraphe et donc l’augmentation spectaculaire de la quantité de messages échangés sonna la fin des cabinets noirs au milieu du XIXe siècle.

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